samedi 7 octobre 2017

L'ETAT EST VISÉ

Externaliser. Ça fait quelques années que c’est le credo des super gestionnaires. Externaliser, ça veut dire sous-traiter en novlangue. Mais sans le « sous » qui dévalorise.

Externaliser, c’est filer à quelqu’un d’autre, moyennant finances, un boulot qu’on peut faire soi même. En fait, c’est pas seulement une question d’argent. Ça alourdit la structure, ça oblige à travailler sur des sujets secondaires. Et donc, on en vient à des quêtions aberrantes, du style : ne peut on externaliser la sécurité de l’armée ? Rien que pour poser la question, faut être d’une connerie rare. On imagine de faire assurer la sécurité de pros formés à ça par des amateurs plus ou moins doués, mais surtout moins bien formés. On peut aussi choisir les pilotes de Formule 1 chez les chauffeurs d’Uber.

En fait, ce qui est inquiétant, c’est de filer à des amateurs, les missions régaliennes qui ne devraient en aucun cas être objets de lucre. Tiens, un exemple. Depuis un moment (j’ai pas trouvé quand, ce serait éclairant), depuis un moment donc, le Ministère de Affaires Etrangères a externalisé l’instruction des dossiers de visas. Tu vas me dire, ça existait déjà, des officines où des mecs à la coule aidaient les impétrants à mettre la bonne lettre dans la bonne case. Là, ça change de dimension. L’organisme choisi est une compagnie de droit émirati, basée à Dubai et dirigée par un Indien qui a du étudier à Oxford. Notons que la société en question, VFS Global, est une société européenne : c’est la filiale à 100% du tour-opérateur suisse Kuoni. Sur son site, elle annonce fièrement avoir aidé à l’acquisition de 155 millions de visas. Il est vrai qu’elle traite aussi les demandes britanniques et américaines.

J’imagine que le mignon PDG, si tu l’interroges sur la sécurité, te sortira de beaux PowerPoint pur t’expliquer comment tout est sous contrôle. Bon, dans le détail, il sait pas trop si le cousin de son responsable au Caire est pas un peu lié aux Frères Musulmans ou si le beau-frère du tamponneur de dossiers à l’ambassade de Pétaouchnok n’est pas un peu étranglé par un crédit et que donc… C’est que dalle 155 millions de visas, juste un paquet de Big Datas, dont tout un chacun sait que c’est maîtrisable et maîtrisé. OK, on peut pas nier que sur le tas, y’aura peut être un malintentionné qui pourra se glisser. Statistiquement, c’est peanuts. Statistiquement, ça ne change rien jusqu’au jour où le malintentionné fera péter un engin artisanal ou aidera au développement d’une filière. Moi, je me sentirai mieux protégé si l’instruction des dossiers était confiée aux services en charge de ma protection. Hé ! c’est cher ! Moins que ma vie.

Accessoirement, je remarque qu’on offre un rôle de premier plan dans le tourisme à un voyagiste suisse qui sait qui veut aller où et peut donc analyser mieux que quiconque les flux. Par rapport aux petits bras français, y’a comme une distorsion de concurrence.

Et donc, je pose la question : est il bien raisonnable d’affirmer que tout est fait pour nous protéger des flux quand on confie à un mercenaire les clés de la porte ? Bien sûr, on allège le travail des personnels en poste, bien sûr on évite d’avoir à alourdir la masse salariale d’un Ministère. Mais gérer les entrées dans le pays, est ce un coût mesurable ? Et doit on le mesurer exclusivement en termes monétaires ?

C’est que tout est défait. Schengen permet de contourner tous les systèmes nationaux, lesquels ont par ailleurs été mis à l‘encan. Toute garantie qui nous sera donnée ne sera que bouillie de mots face au tissu troué du réel. Ce que je ne comprends pas, c’est que les spécialistes ne disent rien.

Les journalistes ? Soit ils ne savent pas et n’ont pas compris le système et ses failles, soit…. Restons polis.

En tous cas, inutile de commander un voyage à Kuoni. Leur avenir est assuré.


On en reparlera…

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